L’utilisation des écrans semble interférer avec la régulation émotionnelle des petits

MONTRÉAL — La consommation de contenus sur écran par les enfants d’âge préscolaire semble nuire à la régulation de leurs émotions dans l’immédiat et à long terme, prévient une étude réalisée à l’Université de Sherbrooke.

Ces résultats s’ajoutent à une littérature scientifique de plus en plus abondante qui met les parents en garde contre la tentation de confier au iPad la responsabilité de calmer les pleurs de l’enfant ou de l’occuper le temps de préparer le souper.

La professeure Caroline Fitzpatrick et ses collègues ont profité de la pandémie pour examiner le temps que consacraient quotidiennement aux écrans des enfants de 3,5 et 4,5 ans. Leurs données ont été recueillies par le biais de questionnaires que les parents remplissaient en ligne.

Ils ont constaté, dans un premier temps, que les enfants de 3,5 ans passaient en moyenne 3,46 heures rivés devant un écran chaque jour, soit presque 3,5 fois plus que la recommandation d’une seule heure par jour.

«On a été un peu surpris du nombre d’heures que les enfants ont accumulé devant les écrans, a admis Mme Fitzpatrick. Ce sont des temps d’écran qui dépassent assez largement ce qu’on recommande au point de vue de la santé des tout-petits.»

Leurs données ont révélé que chaque heure passée devant un écran à 3,5 ans prédisait une augmentation des manifestations de colère et de frustration à 4,5 ans. Et si plusieurs facteurs peuvent évidemment influencer la capacité à réguler les émotions, a-t-elle ajouté, «dans notre étude, on a été capables de démontrer un lien mesurable entre le temps passé devant les écrans et à travers le temps, sur une période d’un an, une diminution dans la capacité de gérer les émotions négatives».

Les aptitudes de régulation des émotions qui n’auront pas été acquises en bas âge pourront l’être un peu plus tard, donc «tout n’est pas perdu», assure la chercheuse, tout en rappelant qu’il est plus facile de prévenir que de guérir.

Les liens qui ont été détectés, a expliqué Mme Fitzpatrick, sont «progressifs et linéaires»: plus on augmente le nombre d’heures par jour devant les écrans, plus l’enfant a tendance à réagir à différentes situations avec colère et frustration.

Comment expliquer ce phénomène? Une première hypothèse tient au fait que le temps consacré à un écran n’est pas passé à interagir avec d’autres humains, ce qui priverait l’enfant des expériences et des activités dont il a besoin pour apprendre à réguler ses émotions.

«On sait aussi que le temps d’écran peut diminuer la qualité du sommeil et enlever du temps à l’activité physique, a souligné Mme Fitzpatrick. Et le sommeil et l’activité physique sont importants pour la gestion des émotions.»

Certains parents ont aussi développé l’habitude de mettre un écran entre les mains de leur enfant dès que celui-ci devient un peu irritable ou impatient, ce qui transforme l’écran en «façon externe de réguler l’émotion de l’enfant», a dit la chercheuse, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’utilisation des médias numériques par les enfants.

«C’est renforçant pour l’enfant et pour le parent parce que justement, on règle très facilement des situations qui peuvent être difficiles», a-t-elle souligné.

Si cette pratique se répète assez souvent dans le temps, on peut imaginer que ça vienne potentiellement nuire à la capacité de l’enfant de développer des stratégies internes pour réguler ses émotions, a dit Mme Fitzpatrick, qui tentera maintenant d’approfondir cette hypothèse avec son équipe.

Reste que pour des parents souvent dépassés par les exigences de la vie quotidienne, la tentation peut être très forte d’obtenir presque instantanément un peu de quiétude en installant leur plus jeune devant un écran.

D’autant plus que ces parents sont souvent bombardés d’informations contradictoires concernant les périls que représentent (ou pas) les écrans pour leurs enfants. Le problème, a dit Mme Fitzpatrick, est que l’on compare souvent «des pommes et des oranges».

«Il y a parfois des études qui sont publiées sur des adolescents ou sur des enfants plus âgés, on ne regarde pas les mêmes conséquences, a-t-elle expliqué. Je dirais que dans l’ensemble, la littérature sur les enfants préscolaires est assez unanime pour suggérer que peu importe la qualité de ce que les enfants font sur les écrans, trop de temps d’écran, c’est trop, et ça peut apporter des conséquences négatives pour les enfants.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Pediatric Research.

—-

Sur internet:

Accueil

https://naitreetgrandir.com/fr/