Les bébés faucons de l’Université de Montréal prennent leur envol

MONTREAL — Le monde est plein de dangers pour un fauconneau de moins de six semaines qui apprend à voler, même s’il fait partie de l’espèce la plus rapide de la planète.

Cette semaine, trois bébés faucons nommés Hugo, Polo et Estebane ont commencé à déployer leurs ailes autour du site de nidification situé au 23e étage de la tour de l’Université de Montréal, tandis que des centaines de téléspectateurs en ligne observaient chacun de leurs mouvements.

C’est un moment «excitant, mais stressant», raconte Ève Belisle, qui surveille les faucons de l’Université de Montréal depuis 2007 et anime les pages Facebook et YouTube leur étant dédiées.

«On veut tous les voir voler, a-t-elle déclaré lors d’un entretien téléphonique. Mais c’est un peu stressant parce qu’il y a toujours un risque de blessure.»

Polo a été le premier fauconneau à prendre son envol, dimanche, dans une tentative qui a commencé par des battements d’ailes maladroits qui l’ont mené en toute sécurité vers un toit situé plus bas. Hugo a été encore moins élégant, glissant du site de nidification sur la tour et tombant à moitié jusqu’à un perchoir inférieur.

Étant donné que les femelles sont plus grandes que les mâles et qu’elles mettent plus de temps à apprendre à voler, Estebane passera probablement quelques jours de plus à exercer ses ailes avant de décoller.

Même si les fauconneaux ont atterri en toute sécurité, il leur faudra surmonter bien des épreuves avant d’atteindre l’âge adulte, selon David Bird, professeur émérite de biologie de la faune à l’Université McGill. M. Bird affirme qu’environ 50 % des poussins de faucons ne survivent pas jusqu’à leur premier anniversaire. D’autres estimations évaluent ce chiffre aux deux tiers.

En entrevue, il a expliqué que le moment où les faucons s’envolent – ou apprennent à voler – est particulièrement dangereux, en particulier pour les oiseaux des villes. Un jeune inexpérimenté peut voler contre une fenêtre, se faire prendre dans une rafale de vent ou battre des ailes au sol, où il risque d’être écrasé par une voiture ou attaqué par un chien.

Survivre en ville

Même s’ils survivent jusqu’à l’âge adulte, ils sont confrontés à d’autres dangers, notamment la compétition avec d’autres faucons, les pesticides et les produits chimiques – y compris les retardateurs de flamme utilisés pour éteindre les incendies de forêt – et, dernièrement, la grippe aviaire.

Cependant, M. Bird a déclaré qu’il ne faisait aucun doute que les faucons étaient des survivants. L’utilisation généralisée de pesticides tels que le DDT et les massacres par les humains ont décimé leur nombre dans les années 1960 et 1970. Mais au cours des décennies qui ont suivi l’interdiction du DDT, les projets de rétablissement ont été couronnés de succès, à tel point que les faucons «sont passés d’une quasi-extinction dans l’est de l’Amérique du Nord à aujourd’hui, aux yeux de certains, presque devenus une espèce nuisible», a-t-il déclaré, soulignant que certains n’aiment pas voir des oiseaux sur les rebords de leurs bâtiments.

Une partie de leur succès, selon M. Bird, réside dans leur capacité à s’adapter aux villes, où les hauts immeubles de grande hauteur ont remplacé les falaises comme sites de nidification et où une importante population de pigeons fournit de nombreuses proies.

Les faucons urbains, dont ceux de l’Université de Montréal, sont devenus en quelque sorte des ambassadeurs auprès du public ces dernières années grâce aux caméras de nidification diffusées en direct.

Mme Belisle a contribué à l’installation d’un nichoir en 2008, où plus de deux douzaines de bébés ont éclos au fil des ans. Ils sont filmés 24 heures sur 24.

Cette année, des centaines de personnes ont regardé chaque jour les petits faucons sortir de leurs œufs, grandir rapidement sous la garde de leurs parents, Ève et M, et voir leur duvet blanc remplacé par un plumage brun élégant.

Parfois, observer ce qui se passe dans le nid n’est pas pour les âmes sensibles. Le 11 juin, un quatrième fauconneau, baptisé Élyse, est tombé malade et est mort dans le nichoir sous les yeux des spectateurs. L’unique bébé né l’année dernière est également mort.

«C’est la vraie vie, et ça peut être triste des fois», reconnaît Mme Belisle. Elle a déclaré que la partie la plus difficile de son travail était de réconforter un public en détresse ou de répondre à de nombreuses questions sur Facebook ou YouTube de personnes inquiètes pour la santé des fauconneaux.

Cependant, elle estime que cette inquiétude montre que les gens ont noué un véritable lien avec la nature et avec les oiseaux.

«Les gens se sentent connectés à la nature en regardant ça. Pour quelqu’un qui habite en ville et qui n’a pas beaucoup de contact avec la nature, c’est comme une fenêtre ouverte sur ce qui se passe dans la vraie vie», croit Mme Belisle.

Mme Belisle souligne qu’elle et les autres bénévoles seront sur le terrain pendant les prochains jours, prêts à secourir les jeunes faucons s’ils se trouvaient en difficulté. Ensuite, Polo, Hugo et Estebane passeront quelques semaines près du nid pour apprendre à chasser auprès de leurs parents. Puis, ils s’envoleront pour de bon, ou du moins jusqu’à ce qu’ils grandissent et apparaissent peut-être dans un nid filmé quelque part.