Le ministre Pablo Rodriguez démissionnera pour briguer la chefferie du PLQ
OTTAWA — Le lieutenant politique des libéraux fédéraux pour le Québec, Pablo Rodriguez, va se lancer dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ). Il doit en faire l’annonce jeudi à Gatineau.
Celui qui est aussi ministre fédéral des Transports va démissionner de son poste au cabinet cette semaine pour se concentrer sur la chefferie.
Le ministre de l’Approvisionnement et député de la circonscription de Québec, Jean-Yves Duclos, ne pouvait cacher mercredi que le départ de M. Rodriguez créera un «vide» au sein des troupes de Justin Trudeau. La nouvelle fait aussi surface tout juste après une cuisante défaite des libéraux, qui ont vu les bloquistes leur ravir le siège de LaSalle-Émard-Verdun au terme d’une élection partielle.
«Que ce soit (annoncé) aujourd’hui, demain ou avant-hier, ce n’est pas vraiment important, a dit M. Duclos. Le fait, c’est qu’il laisse un héritage magnifique pour la région de Québec, un appui extraordinaire pour les acteurs de ma circonscription.»
Selon lui, la décision de M. Rodriguez était prise depuis «quelque temps» et elle était bien «mûrie».
Le président du caucus du Québec chez les libéraux fédéraux, Stéphane Lauzon, a abondé dans le même sens.
Le député a tout de même exprimé sa déception, partagée par d’autres élus libéraux qui ont parlé aux journalistes en se rendant à la réunion hebdomadaire de leur caucus sur la colline parlementaire à Ottawa.
«Effectivement, c’est une grosse perte pour le caucus du Québec», a dit M. Lauzon, qui représente les électeurs d’Argenteuil—La Petite-Nation, en Outaouais.
Sa collègue Sophie Chatel est du même avis, elle qui dit s’être lancée en politique notamment grâce à M. Rodriguez. «C’est sûr qu’on perd un membre important de notre caucus, mais quand on voit pourquoi il va aller changer ses fonctions et représenter le Parti libéral du Québec, évidemment qu’on a beaucoup d’admiration et d’appui pour lui», a dit la députée de Pontiac.
La coprésidente de la prochaine campagne des libéraux, la ministre Soraya Martinez Ferrada, estime que le ministre démissionnaire a été pour elle un «mentor au niveau de la stratégie politique»
«C’est une machine politique, Pablo.» Mme Soraya Martinez dément que M. Rodriguez puisse avoir décidé de quitter un navire qui commence à prendre l’eau. Elle a noté que le PLQ n’est pas en très bonne posture à l’heure actuelle.
«Il va aller reconstruire quelque chose qui est, quoi, en quatrième, cinquième (place). Je veux dire, ce n’est pas par opportunisme qu’il s’en va faire ça», a-t-elle conclu.
Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a affirmé que M. Rodriguez «ne s’en va pas s’asseoir dans son sofa, chez lui, sur le bord du poêle». «Il s’en va relever un défi important», a dit le député de Laurier—Sainte-Marie.
Ce départ s’ajoute au fait que plusieurs députés libéraux ont annoncé qu’ils ne se représenteraient pas aux prochaines élections qui pourraient être déclenchées au cours des prochains mois.
Les troupes de Justin Trudeau doivent aussi composer avec la perte de leur directeur de campagne, Jeremy Broadhurst.
Le premier ministre fédéral a refusé de répondre aux questions des journalistes à plusieurs occasions au cours de la journée de mercredi.
M. Rodriguez a pour sa part semblé emprunter des couloirs du parlement qui lui évitaient de tomber sur des représentants de la presse faisant le pied de grue.
«Je ne suis pas en accord avec sa feuille de route»
L’arrivée du principal intéressé dans la course survient alors que le PLQ tente de regagner son titre de parti de l’économie en prônant la rigueur budgétaire face au gouvernement de la Coalition avenir Québec, dont le dernier budget prévoit un déficit de 11 milliards $.
Les libéraux provinciaux veulent aussi prendre leurs distances du Parti libéral du Canada (PLC) qui a accumulé d’importants déficits dans les dernières années et qui s’est ingéré dans les champs de compétences du Québec.
Un autre candidat dans la course, le député provincial de Marguerite-Bourgeoys, Frédéric Beauchemin – qui veut se positionner comme le candidat de la «saine gestion des finances publiques» – croit que le ministre fédéral devra répondre du bilan du gouvernement Trudeau.
«Je ne suis pas en accord avec sa feuille de route au niveau de la gestion des finances publiques, au niveau de l’invasion des champs de compétence du Québec et la vision économique de ce gouvernement-là. (…) On est opposés là-dessus, c’est certain. Ça va faire un bon débat d’idées», a-t-il dit en mêlée de presse à l’Assemblée nationale mercredi.
M. Beauchemin a tenté, sans succès, de se faire élire sous la bannière du PLC en 2019.
«J’ai hâte d’entendre comment il pourra incarner le renouveau dont le PLQ a besoin. Souhaitons aussi qu’il pourra se consacrer à temps plein à cette tâche importante, le plus grand parti politique de l’histoire du Québec le vaut bien», a affirmé Charles Milliard, un autre aspirant chef, dans une déclaration écrite.
Lors du caucus des députés libéraux il y a deux semaines, M. Milliard a dit craindre que le PLQ devienne une succursale du PLC et a demandé que les candidats venant du fédéral fassent une «profession de foi envers le Québec». Rappelons que Charles Milliard a été sollicité pour se présenter dans la partielle de LaSalle–Émard–Verdun pour les libéraux de Justin Trudeau, mais il a refusé pour se concentrer sur la course à la chefferie.
Questionnée à savoir si le fait que M. Rodriguez a été ministre dans le gouvernement Trudeau serait un boulet, la députée libérale Marwah Rizqy a répondu: «Moi, ce qui m’intéresse, c’est vraiment ce qu’il a à proposer pour les Québécois. Quand on aspire à être premier ministre du Québec, c’est important de vraiment réfléchir à nos intérêts en premier.»
Pablo Rodriguez a déjà l’appui de la députée libérale provinciale Désirée McGraw. Elle ne voit pas de problème que son champion provienne du PLC. «On partage les valeurs libérales, mais on n’est pas le même parti», a-t-elle dit.
Un cinquième candidat
M. Rodriguez deviendra donc le cinquième candidat à la succession de Dominique Anglade.
Outre Charles Milliard et Frédéric Beauchemin, les autres aspirants sont l’ex-maire de Montréal et ancien ministre fédéral Denis Coderre ainsi que l’avocat fiscaliste Marc Bélanger.
En juin dernier, le président du Conseil du patronat du Québec, Karl Blackburn, avait fermé la porte à se lancer dans la course en raison d’un cancer. Or, son nom a recommencé à circuler récemment. De passage à l’Assemblée nationale mercredi, il a laissé entendre qu’il pourrait être de la course après avoir vaincu sa maladie. Il doit subir une opération d’ici deux mois.
«Je n’ai jamais fermé la porte à la politique et je pense que j’ai toujours été clair. Je suis très heureux là où je suis actuellement et si jamais je devais amorcer des réflexions plus sérieuses à cet égard, je le ferais plus tôt que tard», a-t-il dit.
Les défis à relever sont déjà nombreux pour le prochain chef des libéraux: l’aiguille des sondages ne bouge pas en leur faveur, leurs appuis chez les francophones sont faméliques, les jeunes ont déserté le parti et il doit reconquérir les régions du Québec.
La course commence officiellement en janvier 2025. Le nouveau chef libéral sera choisi à l’été de cette même année.