Le coût de la vie devient le sujet central de la campagne électorale néo-écossaise
HALIFAX — Beaucoup de choses ont changé en Nouvelle-Écosse depuis que les progressistes-conservateurs ont remporté une majorité électorale convaincante lors des élections de 2021 en mettant l’accent sur les soins de santé.
Et alors que le système de santé est toujours en difficulté – plus de 145 114 personnes attendent un médecin de famille – la crise de l’abordabilité est montée en tête de la liste des priorités des électeurs, en concurrence avec les soins de santé pour le principal enjeu avant les élections du 26 novembre.
«La capacité des gens à se payer des courses et un logement – c’est la priorité absolue», a souligné Jeffrey MacLeod, professeur de sciences politiques à l’Université Mount Saint Vincent, dans une récente entrevue.
Robert Huish, politologue à l’Université Dalhousie, est du même avis. «La Nouvelle-Écosse a toujours été un endroit où le coût de la vie était inférieur à celui des autres régions du pays. Aujourd’hui, nos loyers rivalisent avec ceux de Toronto et dépassent ceux de Montréal», a-t-il pointé.
Tim Houston et les progressistes-conservateurs demeurent en tête des sondages, à mi-chemin des élections provinciales. Un récent sondage d’Abacus Data a donné 45 % des voix aux conservateurs, tandis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) et les libéraux se disputent la deuxième place avec respectivement 26 % et 25 % des voix.
Mais si les libéraux et le NPD veulent rattraper leur retard et si les conservateurs veulent conserver leur majorité ou l’élargir, ils doivent tous tenir compte de la crise de l’abordabilité, affirment MM. MacLeod et Huish.
«Si les partis d’opposition peuvent démontrer que ce gouvernement, le gouvernement de Houston, a créé bon nombre des problèmes qui existent dans le domaine de l’inégalité des revenus et de la crise du logement en raison de son manque de prévoyance, alors ce sera une mauvaise nouvelle» pour les conservateurs, a averti Jeffrey MacLeod. «Cela pourrait vraiment changer le résultat le jour du scrutin et cela pourrait leur coûter leur gouvernement s’ils ne font pas attention.»
Selon l’Association pour le logement abordable de Nouvelle-Écosse (AHANS), au 30 octobre, 1335 personnes étaient sans abri dans la région d’Halifax, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux 417 personnes inscrites sur la liste lorsque Houston est devenu premier ministre. De plus, environ 7 020 ménages sont sur la liste d’attente pour un logement social en Nouvelle-Écosse, et la moitié d’entre eux sont des personnes âgées.
Un rapport publié en août par le Centre canadien de politiques alternatives indique que le salaire vital à Halifax est passé à 28,30 $ de l’heure. L’organisation décrit le salaire vital comme le salaire net dont une personne a besoin pour couvrir le loyer, les vêtements, le logement, le transport, les soins de santé et les dépenses ménagères de base. Le salaire minimum en Nouvelle-Écosse est de 15,20 $ l’heure.
«Le fait que le coût des loyers ait tellement explosé à la suite de la pandémie a laissé beaucoup de gens dans des situations vraiment précaires», a analysé Robert Huish, expliquant que la Nouvelle-Écosse fait face à une pénurie de logements abordables et à un taux d’inoccupation des appartements locatifs d’environ 1 %. Cela signifie que, pendant la campagne électorale, «l’abordabilité va être quelque chose d’énorme».
Le politique d’immigration pointée du doigt
Le professeur MacLeod a relevé qu’au cours des trois ans et demi écoulés, le gouvernement progressiste-conservateur a fixé des objectifs ambitieux en matière de croissance démographique, alors que le logement, les infrastructures et l’accès aux soins de santé n’ont pas suivi le rythme. En octobre 2021, le gouvernement de Tim Houston a annoncé un plan visant à doubler la population de la province à deux millions de personnes d’ici 2060.
Plus tôt cette semaine, le chef libéral Zach Churchill a rebondi sur le bilan des conservateurs en matière d’immigration, affirmant que les politiques du parti empêchent le gouvernement d’être en mesure d’offrir des logements et d’autres services adéquats. M. Churchill a déclaré qu’au cours du dernier exercice financier, les conservateurs ont accueilli près de 12 000 immigrants par le biais de leur programme de nomination, dépassant de plus de 4000 la limite du ministère de l’Immigration. Le chef libéral a ajouté que l’immigration doit se faire «de manière responsable».
En réponse, M. Houston a déclaré aux journalistes que son engagement à doubler la population était un «objectif ambitieux».
Le parti de M Churchill promet de créer une banque de loyers — un programme calqué sur celui de la Colombie-Britannique, qui offrirait aux locataires une exemption d’intérêts s’ils n’ont pas payé leurs factures. S’il est élu au pouvoir, le parti libéral réduirait également la taxe de vente harmonisée (TVH) de deux points de pourcentage (un point de plus que les conservateurs) et supprimerait toute la TVH sur les produits d’épicerie qui ne sont pas déjà taxés, comme les collations et les poulets rôtis.
Le NPD de Claudia Chender a quant à lui fait une série de promesses liées au logement et à l’abordabilité, notamment l’imposition d’un système de contrôle des loyers, l’interdiction des baux à durée déterminée et la réduction de moitié du plafond des loyers de la province à 2,5 %. Mme Chender promet également de donner la priorité à l’utilisation de logements préfabriqués pour élargir le parc de logements sociaux et d’augmenter les prêts pour aider à verser une mise de fonds sur les maisons.
Pour tenter de s’attaquer à la crise du logement, les conservateurs au pouvoir ont «trop compté» sur le secteur privé pour construire des logements, ce qui a conduit à la création de nouveaux logements que de nombreuses personnes à revenu moyen ou faible ne peuvent pas se permettre, a expliqué Jeffrey MacLeod.
Quand on lui a demandé plus tôt cette semaine s’il prévoyait faire plus pour aider les Néo-Écossais à faible revenu qui luttent contre le coût de la vie, le chef conservateur a énuméré un certain nombre de mesures déjà annoncées. Il s’agit notamment du rabais sur le chauffage résidentiel de son gouvernement, de l’indexation des taux d’aide sociale à l’inflation et d’une réduction d’un point de la TVH.
La plateforme des conservateurs, publiée vendredi, comprend une promesse de plafonner les augmentations des tarifs d’électricité afin qu’ils ne dépassent pas la moyenne nationale.
M. MacLeod a rappelé que les mesures «éprouvées» pour sortir les gens de la pauvreté et s’assurer qu’ils peuvent se permettre un logement comprendraient une augmentation de l’aide au revenu et des salaires afin que les gens puissent se permettre leur logement, leur épicerie et d’autres nécessités. «Les réductions d’impôts ne règlent pas ce problème», a-t-il commenté.
Tim Houston a également annoncé son intention d’augmenter le salaire minimum à 16,50 $ l’heure d’ici l’année prochaine s’il est réélu. «Nous savons que le gouvernement peut faire certaines choses. Il ne peut pas tout faire», a modéré M. Houston.