Musicienne du monde, citoyenne de Saint-Paulin
CULTURE. Libanaise par sa mère, Québécoise par son père, c’est néanmoins à Saint-Paulin que Katia Makdissi-Warren puise son inspiration musicale qui l’amène à se produire en concert un peu partout dans le monde.
Les œuvres de la musicienne ne font pas partie des playlists des radios commerciales, mais au Québec, elle est reconnue comme une pionnière et une référence en matière de musique du monde. La sienne est un métissage de ses propres origines, moyen-orientale et occidentale, qu’elle a graduellement enrichi en y intégrant des sonorités autochtones.
Musicienne du monde décrit d’ailleurs le mieux cette femme rencontrée dans son petit studio aménagé dans une forêt près de la rivière du Loup, à Saint-Paulin, au retour d’une tournée au Chili et en Colombie, en Amérique du Sud, et en attendant son départ pour une autre série de concerts en France.
« Au début des années 2000, quand j’ai commencé à faire mes propres compositions avec ces différents univers musicaux, il n’y a aucun ensemble qui était intéressé à faire ces rencontres-là. C’est là que j’ai fondé Okto Echo parce que nous étions huit musiciens à l’origine », explique Katia Makdissi-Warren
Le dernier album de Okto Echo, Transcestral, était d’ailleurs en nomination au Gala de l’ADISQ 2022 dans la catégorie Musiques du monde. « C’est une rencontre entre les musiques soufie et autochtone. On y retrouve des musiciens de la Turquie, du Maroc, du Liban, de la Syrie, mais aussi de six nations autochtones », raconte la musicienne qui a été très tôt en contact avec les Premières nations.
« À l’école à Québec où je suis née, il y avait des élèves hurons-wendat dans la classe. J’étais très curieuse de leur culture », poursuit celle qui a par la suite découvert les chants de gorge inuits, un art ancestral encore très présent dans ses compositions aujourd’hui.
Katia Makdissi-Warren se réjouit de voir la reconnaissance dont bénéficient enfin les musiciens autochtones au Québec. « Il y a cinq ans, on ne voyait pas ça encore, mais aujourd’hui, les gens sont plus curieux. Je suis très contente pour eux, surtout qu’ils étaient là bien avant nous », rappelle la musicienne qui travaille pour sa part principalement avec les artistes inuits, mais aussi des nations Ojibwés, Mohawks, Métis et de l’Ouest canadien.
Une collaboration avec les Atikamekws?
La Mauricie étant sa terre d’adoption depuis près de 15 ans, elle aimerait bien y développer un projet avec la nation Atikamekw. « J’ai déjà fait un atelier de création à Montréal avec des musiciens de Wemotaci. Avec Jacques Newashish, on avait aussi évoqué avant la pandémie un projet avec l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières. Il faudrait que je le relance, c’est un homme incroyable », complimente Katia Makdissi-Warren en parlant de l’artiste multidisciplinaire Atikamekw.
De Saint-Paulin qu’elle a choisi pour sa proximité avec Québec et Montréal, mais surtout pour la nature qui l’inspire, elle dit adorer les gens de la place. « Il y a quelque chose de très ancré chez eux. Je côtoie des chasseurs, des bûcherons. Ce n’est pas un village de villégiature, ce sont des gens de la place qui y habitent. Ils m’apprennent plein de choses sur les animaux, la trappe. J’adore ça », sourit-elle.
Outre ses compositions, Katia Makdissi-Warren collabore également avec d’autres artistes, notamment en signant des musiques pour des films, documentaires, téléséries, pièces de théâtre et spectacles de danse. « C’est super intéressant et complètement différent de ce que je fais. Là, je dois mettre ma musique au service d’un réalisateur, d’un chorégraphe. C’est très enrichissant, car ça me permet d’entrer dans un autre monde », explique celle qui a même composé des pièces qui sont entendues au zoo et à l’aquarium de Singapour, en Asie.
Pour la résidente de Saint-Paulin, qui a déjà offert un concert impromptu durant la pandémie avec des chanteuses de gorge inuits dans le stationnement du Marché Tradition, la musique est un outil de rencontre pour parler de la similarité profonde de l’humain, peu importe ses origines. « Que ce soit pour danser ou écouter, on a tous besoin de musique », conclut-elle.