Une soirée lourde de conséquences

TÉMOIGNAGE. Décembre 2015, Anthony (nom fictif), souligne la fin de sa session universitaire avec d’autres étudiants. À 1h du matin, il décide de conduire sa voiture pour rentrer chez lui. «J’ai pris une chance…», se souvient-il. Ce soir-là, il a percuté une voiture avec quatre passagers à bord. «Je ne veux pas être identifié parce que j’ai honte de ce que j’ai fait, même deux ans après», explique Anthony. «Je me suis endormi au volant cinq minutes avant d’arriver.» Du début du souper jusqu’à son départ, il avait bu environ neuf consommations. Anthony pouvait marcher et parler, même si son taux d’alcoolémie de 0.153 dépassait largement la limite permise. «Normalement je m’arrange pour coucher chez des gens, mais là c’était la fin de la session, je retournais chez mes parents pour les Fêtes», explique-t-il. «C’était un peu la pensée magique de la personne qui ne prend pas souvent de chances et qui ne croit pas que ça peut lui arriver», explique-t-il. «C’était dans un virage juste avant d’arriver. J’ai perdu conscience et je suis rentré dans la roue arrière d’une voiture. Ça m’a pris cinq minutes pour comprendre ce qui venait d’arriver. Et là, le film part dans ta tête.» Les passagers à bord du véhicule n’ont subi que des blessures mineures, mais l’impact aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves, Anthony en est bien conscient. Les policiers sont arrivés sur les lieux quelques minutes plus tard. «Ils m’ont demandé si j’avais bu. J’ai dit oui», raconte le jeune homme jusque-là sans histoire. C’est alors le début d’un long processus duquel il se sort à peine deux ans plus tard.

«C’était un peu la pensée magique de la personne qui ne prend pas souvent de chances et qui ne croit pas que ça peut lui arriver» – Anthony (nom fictif), qui a causé un accident

Incursion dans le monde criminel «Ils prennent tes empreintes digitales et ta photo comme dans les films. Tu feel cheap. Tu es dans les dossiers et ça reste toute ta vie», explique-t-il en relatant l’ouverture de son dossier criminel. Anthony a dû réaliser 100 heures de travaux communautaires, en plus de séjourner en prison pendant plusieurs week-ends, une expérience assez marquante, voire traumatisante. «Ma mère était incapable de venir me porter, ça lui brisait le cœur. (…) C’est comme un grand gymnase où on dort sur des petits matelas. (…) Il n’y a pas de caméras de surveillance dans les toilettes, alors tu essaies d’y aller le moins possible. (…) On a bien des idées sur comment les choses devraient fonctionner en société, mais quand tu retombes à l’état naturel… c’est la loi du plus fort. (…) Ça t’apprend beaucoup de choses de la vie», raconte-t-il. Et puis il y a les frais pour l’infraction, les frais d’avocat, les frais pour l’installation et l’usage mensuel de l’éthylomètre, les assurances qui doublent, les cours complémentaires, etc. «Cette erreur a dû me coûter 10 000$ en tout. (…) Tout ça pour une soirée de six heures. Si j’avais à retourner en arrière… j’aurais pris 50$ et je serais allé dormir à l’hôtel.» Prison mentale «Il n’y a pas juste la prison physique, il y a la prison mentale.» Honteux, il redoute déjà d’avoir à avouer cette faute à des employeurs, lui qui a pris beaucoup de temps à en parler à quelques membres de son entourage. Le jeune homme a de la difficulté à dire ce qu’il retire de cette expérience aujourd’hui, ayant du mal à voir quelque chose de positif dans une situation où il a causé du tort. «Ça te fait remettre en perspective bien des choses. Il ne faut jamais que tu penses que ça n’arrive qu’aux autres parce qu’un jour, ça peut être toi l’autre», lance-t-il comme message. «Quand je suis dans des soirées avec des amis je le remarque. Les gens commandent à boire et ils reprennent leur voiture après. Je ne pense pas que les gens sont méchants. Ils n’ont juste pas conscience que ça peut leur arriver. Ils prennent une chance, une fois… mais ça prend juste une fois pour qu’il y ait un accident.» Anthony a accepté de partager son expérience non pas pour attirer la pitié, mais bien pour sensibiliser. «Tu mets la vie des gens en danger et si ce n’est pas assez pour toi, regarde seulement ce que ça va te coûter en temps, en énergie et en argent. Ça ne vaut pas la peine. Reste chez toi ou prévois un endroit où dormir. Ça va te sauver beaucoup de trouble.»   La Fondation Katherine Beaulieu poursuit sa sensibilisation La Fondation Katherine Beaulieu porte le nom d’une jeune femme de 21 ans qui a perdu la vie après avoir été frappée de plein fouet sur l’autoroute 55 par une conductrice en état d’ébriété, le 3 mai 2010. La fondation offre notamment des conférences afin d’aider la population à prendre conscience des effets néfastes de la conduite avec les capacités affaiblies. Il est par ailleurs possible d’y réserver des éthylomètres professionnels pour les événements de plus de 100 personnes. Visitez le www.katherinebeaulieu.org, appelez au (819) 698-6444 ou écrivez à info@katherinebeaulieu.org pour plus d’informations ou pour faire un don.