Premier Envol: un tremplin vers une pleine autonomie

LOUISEVILLE. La vie en appartement peut paraître simple et facile pour bon nombre de gens. La réalité est toutefois bien différente pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.

Depuis sa création il y a 12 ans, l’organisme Premier Envol de Louiseville rend disponibles huit logements de trois pièces et demi en location aux personnes qui souhaitent apprendre la vie en appartement.

Un projet qui connait du succès et encore plus depuis que l’organisme a élargi ses critères d’admissibilité, soit en acceptant depuis peu les gens avec un trouble neurodéveloppemental. «On voulait toucher à une plus grande clientèle et bien répondre aux besoins exprimés par le milieu. Le fonctionnement est le même que dans un appartement régulier. Ce sont des logements transitoires qui nous appartiennent et qui nous permettent de répondre aux besoins spécifiques des locataires. Ils sont présentement tous occupés», explique d’abord Cléome Toupin-Guay, intervenante à Premier Envol.

Ces locataires sont généralement référés par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle, des parents ou d’autres organismes du milieu.

«Les gens viennent ici pour apprendre la vie en appartement et ça comprend faire un budget, une liste d’épicerie, le ménage, la cuisine et développer son autonomie. Bref, tout ce qui touche la gestion d’un loyer et les tâches quotidiennes», énumère-t-elle.

À la base, selon l’organisme, ce projet a été élaboré suite à une mobilisation de parents pour qui les enfants ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme ne pouvaient intégrer un appartement conventionnel sans supervision, mais qui avaient tout de même démontré de l’intérêt et une volonté d’apprendre et de vivre en appartement.

Les personnes admissibles à ce service doivent être volontaires, présenter une problématique particulière répondant aux critères de l’organisme et avoir 18 ans et plus. Le coût des loyers se situe entre 220$ et 380$ si le locataire parvient à se qualifier pour la subvention de l’Office municipal d’habitation.

Unique au Québec

Tout au long du séjour à durée indéterminée, les locataires bénéficient d’un encadrement connu et d’un accompagnement personnalisé. Premier Envol dispose d’une équipe de quatre intervenants et deux gardiens de nuit. «On tient des plans d’intervention pour chaque locataire. Ils choisissent des objectifs qu’ils veulent travailler et on les aide à atteindre ces objectifs. Ça prend un minimum d’autonomie parce qu’ils vivent seuls dans leur appartement. Par contre, dès le départ, on va les rencontrer chaque jour pour s’assurer que tout se passe bien et que certains de leurs acquis sont bel et bien là. On fait toujours une évaluation quand ils s’en viennent ici et on sait toujours un peu leurs besoins à l’avance. C’est certain qu’on met certaines choses un peu plus de côté parce qu’on doit avancer une étape à la fois dans les apprentissages, mais on s’assure que l’appartement reste sécuritaire et salubre», confie Mme Toupin-Guay.

Premier Envol estime que ses locataires demeurent en moyenne pendant quatre ans dans les appartements. «Ça varie beaucoup parce que ça dépend du développement de la personne et de son évolution. En général, lorsque les gens appliquent bien ce qu’ils ont vu chez nous, ce sont de très belles réussites. À ma connaissance, c’est une initiative toujours unique au Québec dans des appartements transitoires», souligne fièrement l’intervenante.

Bonification des services

Si les efforts soutenus déployés lors des deux dernières années pour faire connaître davantage l’organisme ont donné de bons résultats, Premier Envol sent tout de même le besoin de se renouveler en se dotant d’une planification stratégique qui permettra au cours des trois prochaines années de mettre sur pied de nouveaux services qui seront annoncés au moment jugé opportun.

Des expériences variées, mais enrichissantes pour les locataires

Premier Envol reconnait que les logements supervisés représentent une belle réussite dans la région. Pour assurer le succès de ce service, les locataires doivent faire les efforts nécessaires et s’adapter au mode de fonctionnement imposé par l’organisme. Pour la majorité des bénéficiaires, les objectifs sont atteints. Pour d’autres, bien souvent des cas isolés, la réelle volonté personnelle peut être le plus important défi.

Jean-Luc Bilodeau célèbrera au cours des prochains jours son 29e anniversaire de naissance. Référé par son intervenante, le résident de Shawinigan a eu l’opportunité d’expérimenter le service offert par Premier Envol pendant près d’un an. Son séjour à Louiseville ne lui a toutefois pas permis d’atteindre son objectif personnel du premier coup. «Mon objectif, c’était d’aller dans un vrai appartement après. J’ai eu de la difficulté à respecter les règles. Je voulais développer mon autonomie, mais ça n’a pas fonctionné parce que je ne m’habituais pas à l’encadrement. Il y avait trop de règlements pour moi. Ça me choquait !», rapporte-t-il.

«Les sorties n’étaient pas toujours possibles pour aller chez un ami. Il fallait faire des repas chaque semaine, mais il y en avait que je n’aimais pas faire. Je n’aimais pas non plus faire le ménage. Il fallait apprendre à faire un budget et bien le gérer, mais c’était difficile», raconte M. Bilodeau.

Par téléphone, l’ex-locataire exprime avec regret avoir lancé la serviette après son essai d’un an. «Quand j’y repense, dans l’ensemble, ça s’était bien passé et c’était quand même agréable. Les services offerts sont très bons et les intervenants sont vraiment là pour nous aider», juge-t-il.

«Une deuxième chance»

Au cours des prochains mois, Jean-Luc Bilodeau tentera de profiter d’une deuxième chance en louant de nouveau un appartement chez Premier Envol. «J’ai changé et j’ai beaucoup appris. Je suis prêt dans mon cheminement personnel à y retourner. Je ne sais pas combien de temps je resterai là-bas, mais je compte y rester jusqu’à tant que je sois capable ensuite d’aller vivre dans un appartement normal. Je crois que ça peut prendre quelques années. Ils m’ont dit que tant que j’aurais besoin d’eux, ils seraient là pour m’aider et pour me garder. Ils me donnent une autre chance. Je trouve que c’est vraiment gentil. Je suis chanceux», conclut-il.

Suivez Pier-Olivier Gagnon sur Twitter: @POGagnon