Phytoclone : l’indispensable allié des pépinières
AGRICULTURE. D’une minuscule tige d’à peine quelques millimètres prélevée sur un plant mère de fraises ou de framboises, une petite entreprise de Saint-Étienne-des-Grès générera des milliers de fraisiers et de framboisiers grâce à une technologie de culture in vitro dont elle est un leader au Canada.
Phytoclone n’est pas un nom familier auprès des milliers d’horticulteurs amateurs québécois, mais pour les pépinières et grossistes qui alimentent les centres jardins, c’est un fournisseur essentiel pour leur approvisionnement en certains types de végétaux.
« Nous avons deux spécialités : les petits fruits et les plantes ornementales », explique l’agronome Sylvie Deslauriers qui a participé au balbutiement de l’entreprise au début des années 1990 avec son conjoint Frédérick Laforge, tous deux agronomes. Phytoclone était initialement installée dans un laboratoire du Cégep de Shawinigan puis dans une serre à Saint-Paulin avant de déménager en 1994 sur le chemin Principal à Saint-Étienne-des-Grès où elle opère toujours aujourd’hui.
« Nous sommes des propagateurs. C’est-à-dire qu’à partir d’un plant de petits fruits (fraises, framboises, bleuets, cerisiers, vignes, etc.) exempt de maladies, nous les multipliions par milliers dans un environnement stérile pour des pépiniéristes. Ils sont ensuite revendus aux producteurs qui ont besoin de plants sains pour mettre en terre », poursuit Sylvie Deslauriers qui dirige seule l’entreprise depuis 2009 même si son conjoint en demeure actionnaire.
Phytoclone travaille sur des végétaux spécifiques, ne s’attardant pas par exemple sur des plants de tomates, de poivrons ou de fleurs pouvant facilement être multipliés juste en déposant une semence dans un terreau ou en transplantant une bouture.
Rosier rustique et clématite
En revanche, la grande majorité des rosiers rustiques au Québec, comme les populaires Félix Leclerc et John Cabot, ou de clématites, comme l’indémodable Jackmanii, ont vu le jour dans de petites éprouvettes stériles à Saint-Étienne-des-Grès.
Dans son catalogue, Phytoclone affiche plus d’une trentaine de variétés de clématites et près d’une quarantaine de variétés de rosiers rustiques. Ces plants démarrés dans des contenants stérilisés en laboratoire sont ensuite transférés en serre, non sans avoir franchi plusieurs étapes pour les acclimater à leur futur environnement naturel. Produits en milliers d’unités, ils sont achetés par des grossistes et pépinières qui s’occuperont de les faire croître avant de les revendre dans des centres jardins du Québec, mais aussi ailleurs au pays.
Sylvie Deslauriers a participé au développement de plusieurs nouveaux cultivars de fleurs ornementales avant qu’elles ne soient commercialisées. « Du laboratoire jusqu’à la culture en serre, ça peut prendre trois ou quatre ans parfois avant qu’elles n’arrivent sur le marché », explique l’agronome. En dehors de ses clients réguliers, elle travaille à plus petite échelle sur de nouvelles variétés de noisetiers ou de rhubarbes qui seront peut-être un jour commercialisées.
Des laboratoires commerciaux spécialisés comme celui de Saint-Étienne-des-Grès, on peut les compter sur les doigts d’une main au pays. « Ici au Québec, il y Végétolab à Alma, mais on a chacun notre créneau », souligne Sylvie Deslauriers qui reçoit occasionnellement la visite d’étudiants de l’École d’agriculture de Nicolet ou de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe.
Un employeur de choix
Il y a quelques mois, Phytoclone a été sélectionnée par le Centre d’emploi agricole de la Fédération de l’UPA de la Mauricie pour représenter la région dans le cadre de Ma ferme mon monde, source d’inspiration en gestion des ressources humaines, une distinction qui a ravi la propriétaire.
« J’ai plusieurs employés qui travaillent ici depuis plus de vingt ans. Nous avons une équipe stable et j’en suis bien fière. » Parce que le travail en laboratoire, où de petits filaments de plants doivent être manipulés soigneusement, demande une dextérité manuelle, on ne s’étonnera pas que la majorité du personnel soit féminin. Depuis quatre ans, l’entreprise a aussi pris le virage des travailleurs étrangers temporaires (TET) en embauchant des Guatémaltèques, deux couples qui demeurent en logement à Saint-Barnabé.
Comme elle le fait dans sa vie professionnelle en cultivant des plants hors de leur environnement naturel, Sylvie Deslauriers a aussi pris les moyens pour bien intégrer ses nouveaux venus. « J’ai appris l’espagnol et nous les avons aussi inscrits à un cours de francisation. De cette façon, la communication circule bien dans l’équipe », termine-t-elle en souriant.