Michel Robichaud: le gentleman-farmer de la mode
PORTRAIT. Un temps abonné aux grandes capitales de la mode, il trouve aujourd’hui autant sinon plus de bonheur à se promener sur son domaine à Saint-Étienne-des-Grès…
Retiré de la vie publique depuis près de vingt ans, Michel Robichaud sourit sur le pourquoi de cette discrétion: «J’ai fait ma part.» Durant quatre décennies en effet, dans les revues et à la télévision, son nom était synonyme d’élégance et de raffinement pour les Québécois.
Dans les années 1960, le couturier montréalais se fait remarquer en habillant les hôtesses d’Air Canada puis un peu plus tard, celles d’Expo 67. En 1976, il sera à la tête d’une équipe de quatre designers chargée de confectionner 75 000 uniformes pour les Jeux olympiques de Montréal.
De passage au Québec pour son mariage en 1964, l’actrice Élizabeth Taylor repart avec quelques-unes de ses créations. «C’est à ce moment que je me suis fait véritablement un nom. On en a parlé dans le New York Times et dans les magazines européens», se rappelle-t-il.
L’industrie de la mode existait au Québec lorsqu’il a débuté mais Michel Robichaud a été le premier au milieu des années 1960 à offrir une collection de prêt-à-porter portant son nom. «Ça ne se faisait pas à l’époque», dit-il.
Stagiaire en début de carrière à Paris dans de grandes maisons comme Nina Ricci et Guy Laroche, il habille à son retour à Montréal les grandes familles comme les Bombardier, Desmarais, Simard ainsi que les femmes des premiers ministres. «Je faisais de la haute couture pour me faire connaître mais ce n’est pas ça qui est rentable», explique Michel Robichaud qui a toujours cherché le juste équilibre entre les côtés créatif et entrepreneurial.
Au sommet de sa popularité, la marque Michel Robichaud est rattachée à douze licences (montres, maillots de bain, chapeaux, cravates, jeans, foulards, etc.). «C’était devenu gros et j’ai dû former une équipe car il fallait assurer les créations mais aussi surveiller la production.»
Même s’il a habillé tout le gratin du Québec avec du sur mesure, le couturier a toujours tiré une immense satisfaction à créer des collections prêt-à-porter pour le grand public. «Donner le look d’un vêtement très cher tout en coupant sur des éléments qui sont coûteux à produire, c’est très difficile mais surtout, très satisfaisant quand ça obtient du succès.»
En ce sens, les lignes de vêtements vendues dans les boutiques sont venues combler la véritable ambition de Michel Robichaud. «Moi, ce qui m’a toujours intéressé, c’est d’influencer la mode. De savoir qu’au Québec, c’est Michel Robichaud qui est l’influenceur de la mode. La haute couture, c’est une question d’image et de prestige mais j’ai toujours voulu garder à l’esprit que je ne devais pas créer des vêtements juste pour moi mais aussi pour habiller les Québécoises et Québécois.»
Trouver l’inspiration à Saint-Étienne-des-Grès
S’il a choisi la Mauricie comme terre d’adoption, c’est parce que son épouse Luce est native de Shawinigan. «Nous venions régulièrement voir ses parents et nous cherchions un pied à terre», explique-t-il. Après quelques années dans un chalet sans électricité à Saint-Mathieu-du-Parc, le couple a le coup de foudre pour une ancienne ferme isolée dans un rang de Saint-Étienne-des-Grès.
«En 2021, ça fera 50 ans que nous serons ici. Mon épouse s’implique encore beaucoup dans la paroisse et l’ouvroir. On a agrandi la maison, travaillé sur le terrain, restauré la grange au fil des ans.»
Créateur du premier parfum spécifiquement canadien en 1973, Michel Robichaud dit avoir trouvé l’inspiration en faisant une promenade en fin de journée sur ses terres à Saint-Étienne-des-Grès. «C’était l’été et il y avait un magnifique coucher de soleil à travers les arbres. Le parfum était prêt et il restait à trouver un nom. J’ai dit à mon épouse: on va l’appeler Brunante, ça sera non seulement le premier parfum canadien mais il aura un nom québécois», se remémore le gentleman-farmer de la mode.
Yves Saint-Laurent, l’inspiration
«J’ai eu la chance de voir sa dernière collection chez Dior et sa première dans sa propre maison. Yves Saint-Laurent était un révolutionnaire», témoigne d’admiration Michel Robichaud en évoquant le grand couturier français. Le Montréalais appréciait aussi les créations de Chanel – «plus classique mais avec son propre style» – mais Saint-Laurent demeure le plus grand à ses yeux. «C’était définitivement le plus avant-gardiste. Il est toujours demeuré mon maître.»