Le paramédical dans les gènes
PORTRAIT. Lundi (4 mars), Yves Richard sera officiellement à la retraite après 48 ans de métier comme paramédic à Louiseville. «Presque 49, en fait», précise-t-il.
La nuance est importante, parce que combinée aux 51 ans de métier de son frère Serge, avec qui il a passé sa dernière journée de travail officielle, on atteint le chiffre rond de 100. Ça fait beaucoup d’expérience dans une même équipe!
Et si on ajoute à ce chiffre le nombre d’années de service de ses trois autres frères encore actifs comme ambulanciers dans la région (Jean, Luc et Robert), on dépasse alors les 220 années d’expérience…
Bref, chez les Richard, le paramédical, c’est une affaire de famille. C’est d’ailleurs leur père, Marie-Louis Richard, qui a implanté le service ambulancier à Louiseville, en 1952. Et à une certaine époque, les neuf garçons de la famille travaillaient tous dans le domaine!
«Mon père avait eu une opportunité d’affaires ici. Il est donc déménagé de Québec avec ma mère, Simone, et les quatre enfants qu’ils avaient à l’époque pour acheter un salon funéraire. Dans ce temps-là, les services ambulanciers étaient jumelés aux entreprises funéraires. C’était elles qui les prenaient en charge avec les moyens qu’elles avaient… c’est-à-dire très peu! Ce n’était pas organisé comme ça l’est aujourd’hui», rappelle M. Richard.
Les corbillards servaient d’ambulance. Il n’y avait pas de système de télécommunications. «Tu ne pouvais pas aller plus loin que la sonnerie du téléphone, illustre-t-il. Mes trois sœurs et ma mère prenaient les appels et s’échangeaient la garde. On répondait 24 heures sur 24. C’était dur. Il fallait être passionné et y croire.»
Les services ambulanciers ne recevaient aucune aide gouvernementale. Ils étaient tenus à bout de bras par les propriétaires de salons funéraires, comme Marie-Louis Richard. «Pendant 50 ans, ce sont les entreprises funéraires qui ont subventionné notre système ambulancier au Québec, évoque M. Richard. Les gens qui ont donné ce service avant nous, comme mes parents, sont des pionniers. Mon père y a d’ailleurs laissé sa santé. Il est décédé jeune, à 60 ans.»
C’était en 1984, soit trois ans après avoir passé le flambeau à ses fils Yves et Gilles. L’entreprise est demeurée dans le giron familial jusqu’en 1997.
Un domaine en changement
Yves Richard se souvient très bien des premiers soubresauts ayant mené à une meilleure organisation du service ambulancier. «C’était au milieu des années 1970. Ç’a été très lent avant que ça décolle. J’ai vécu toutes les étapes.»
Mise en place de la réglementation provinciale, amélioration des équipements, avènement du 911 et des protocoles, arrivée des premières femmes paramédics sur le marché du travail, implantation des premiers moniteurs défibrillateurs; la liste est longue. Et l’évolution se poursuit…
«Dans 20 ans, je ne sais pas où ça va être rendu. Ça continue de changer constamment», indique Yves Richard, visiblement impressionné des progrès réalisés au fil des ans.
La plus grosse amélioration à ses yeux? Les communications. «Aujourd’hui, on a les tablettes, les portables… Mon père n’a rien connu de tout ça!»
Il se réjouit aussi de la rigueur entourant la formation des techniciens ambulanciers, qui sont aujourd’hui autorisés à intuber des patients et à leur administrer certains médicaments. «Mes frères et moi avons appris sur le tas au début, puis on s’est perfectionné. Aujourd’hui, c’est une technique de trois ans, au cégep, et de la formation en continu par la suite.»
De l’émotion brute
Sa dernière journée de travail sur le terrain a eu lieu le 17 janvier dernier. Yves Richard savait qu’elle serait spéciale, mais il ne s’attendait pas à terminer sa carrière aux côtés de son frère aîné, qui a son propre service d’ambulance à Grand-Mère.
«C’était une belle surprise de mon employeur. C’était aussi une journée très émotive… et pas mal occupée! Tellement, en fait, qu’on est arrivé en retard d’une heure à mon dîner de départ!», sourit-il.
Depuis, Yves Richard se la coule douce, étant en vacances à l’étranger. «Je vais réaliser pleinement que je suis à la retraite quand je vais revenir», confie celui qui n’entend pas se tourner les pouces dans les prochaines années.
«J’ai une formation en thanatologie et je dessers déjà cinq entreprises sur appel. Je veux continuer à travailler dans ce domaine. C’est beaucoup moins prenant que l’ambulance.»
Ce ralentissement professionnel lui permettra de retrouver une vie plus stable, où les voyages et le golf devraient prendre plus de place. «Je veux aussi essayer de me mettre en forme. Car la seule discipline dans laquelle j’excelle pour l’instant, c’est le « saut » du repas!», rigole-t-il.
Sur un ton plus sérieux, il termine en abordant l’élément qu’il a le plus aimé de son métier: la proximité avec la clientèle. «On nous a toujours appelé les p’tits Richard. J’ai 64 ans aujourd’hui et je me fais encore appeler comme ça! On a marqué la population. Les gens sont reconnaissants. Ils sont extraordinaires.»