Haroun Bouazzi persiste et signe; Gabriel Nadeau-Dubois lance un appel au calme

MONTRÉAL — Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, lance un appel au calme, après que son député Haroun Bouazzi eut reçu, vendredi, un «déferlement de messages haineux et violents».

«M. Bouazzi a pris la décision, au courant de la journée, de demander à son personnel de circonscription de rentrer à la maison, (…) parce que l’afflux d’appels haineux, menaçants et violents était trop important», a-t-il signalé lors d’un point de presse tout juste avant l’ouverture du congrès virtuel de QS.

«Je n’ai jamais vu dans ma carrière politique ce que j’ai vu dans les dernières heures, et je pense que j’ai la responsabilité d’appeler au calme», a-t-il ajouté.

Haroun Bouazzi est au centre d’une controverse en raison des propos qu’il a tenus au gala de la Fondation Club Avenir sur les débats à l’Assemblée nationale qui contribueraient, selon lui, à la «construction de cet Autre, de cet Autre qui est maghrébin, qui est musulman, qui est noir, qui est autochtone, et de sa culture qui, par définition, serait dangereuse ou inférieure».

La controverse a pris de l’ampleur vendredi matin après une entrevue à Radio-Canada où M. Bouazzi a plus particulièrement ciblé la Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti québécois (PQ), faisant fi du rappel à l’ordre des deux porte-paroles solidaires, qui ont déploré des propos «polarisants».

Au micro de l’animateur Patrick Masbourian, le député solidaire a persisté et signé. Il a affirmé que le fait que la CAQ pointait régulièrement l’immigration comme responsable des problèmes dans les services publics contribuait à créer «l’Autre comme étant un danger pour le Québec».

Durant l’entrevue, il a notamment visé le ministre des Services sociaux, Lionel Carmant. «M. Carmant nous explique, à une question au Salon bleu sur des intervenantes à la DPJ qui ont couché avec des mineurs, et il finit par nous dire: “c’est la faute des immigrants”», a-t-il relaté.

Le 30 octobre dernier, le ministre Carmant répondait à une question de la députée libérale Brigitte Garceau au sujet des scandales sexuels à la DPJ. Il a repris l’argument du premier ministre François Legault voulant que le nombre d’immigrants temporaires exerce une pression sur les services de la DPJ.

«L’impact des nouveaux arrivants joue un rôle sur tous nos services que l’on offre. Vous savez qu’à mon grand désespoir, il y a des gens qui partent d’Amérique du Sud, des Caraïbes, qui traversent les États-Unis à pied, avec leurs enfants, qui arrivent au Québec et à cause de leur état, la DPJ est appelée et doit intervenir», a déclaré M. Carmant.

«Ce que j’ai demandé, c’est qu’on intervienne avec les services sociaux, avec les organismes communautaires, qu’on modifie notre façon d’intervenir pour s’assurer que ces enfants-là puissent rester dans leurs familles. (…) Ce qu’on souhaite, c’est que les gens qui arrivent au Québec contribuent à la société québécoise du mieux possible, et c’est en leur offrant le meilleur accueil et les meilleurs services possibles, incluant les services jeunesse», a poursuivi le ministre.

La réaction de Lionel Carmant aux propos de M. Bouazzi ne s’est pas fait attendre. «Jamais je n’accepterai qu’on m’accuse d’attiser le racisme. Je suis un fier Québécois d’origine haïtienne. Haroun Bouazzi dépasse les bornes. Québec solidaire doit immédiatement réagir», a écrit M. Carmant sur le réseau social X.

Selon M. Bouazzi, ses propos ont été «déformés». Il dit faire de la «pédagogie» et affirme que ça prend du «courage» pour parler contre le racisme. Vendredi soir, M. Nadeau-Dubois a affirmé qu’aucune discussion n’avait eu lieu pour exclure M. Bouazzi du caucus solidaire. Il ne lui demandera pas non plus de s’excuser.

«C’est complètement inacceptable»

Durant l’entrevue à Radio-Canada, le député solidaire a aussi pointé le ministre de la Santé, Christian Dubé. «M. Dubé se fait questionner sur les listes d’attente qui ne font que grandir – et il est là depuis six ans – sur les personnes qui vont avoir une chirurgie et il dit: “c’est la faute des immigrants”», a-t-il soutenu.

«Jamais je n’ai tenu de propos de la sorte. C’est complètement inacceptable de laisser sous-entendre le contraire. M. Bouazzi cherche d’autres coupables pour les propos regrettables qu’il a lui-même tenus, il doit se rétracter», a écrit le ministre de la Santé sur X.

Dans l’entrevue, Haroun Bouazzi s’est défendu d’avoir traité ses collègues à l’Assemblée nationale de racistes. «Moi, je ne considère pas que ce sont des propos spécialement racistes. Je pense que ce sont des propos qui construisent l’Autre comme un danger. Et effectivement, dans notre société, quand l’Autre devient un danger, il y a du racisme qui se crée», a-t-il expliqué.

«Si eux, ils pensent que ce qu’ils disent est raciste et qu’ils se sentent jugés, c’est leur problème. Moi, ce n’est pas ça que je dis», a ajouté le député solidaire.

«Grand remplacement»

Durant l’entrevue de vendredi matin, Haroun Bouazzi a aussi critiqué le PQ.

«M. (Paul) St-Pierre Plamondon nous a expliqué que, si on ne fait pas la souveraineté, on va disparaître. On est 9 millions! Si on disparaît, c’est qu’on se fait remplacer. Remplacer 9 millions (de personnes), ce n’est pas un petit remplacement, c’est un grand remplacement», a-t-il expliqué, voulant ainsi associer le PQ à la théorie complotiste et d’extrême droite du grand remplacement.

«Non seulement (Haroun Bouazzi) ne s’excuse pas, il assume pleinement ses propos et en rajoute. Québec solidaire va devoir prendre une décision. Vite. C’est l’intégrité de l’Assemblée nationale du Québec qui est en jeu», a écrit le député péquiste Pascal Bérubé, aussi sur X.

Jeudi, les propos de M. Bouazzi ont déclenché un florilège de réactions contre lui. Les deux porte-paroles du parti, Ruba Ghazal et Gabriel Nadeau-Dubois, l’ont rabroué publiquement en affirmant «que ses propos étaient franchement maladroits et exagérés».

Lors de l’entrevue radiophonique, M. Bouazzi a dit qu’il respectait la prise de position des deux porte-paroles solidaires. «Je peux comprendre que, sur la forme, il peut y avoir des malaises», a-t-il dit.

Même l’organisme qui a invité le député solidaire s’est distancé de ses propos en affirmant que chaque élu invité à sa tribune doit «miser sur les discours cohésifs et inclusifs» et que le discours d’Haroun Bouazzi, «n’a malheureusement pas adhéré à ce principe».

QS sera en congrès virtuel jusqu’à dimanche.