L’ère des grands changements : des clubs privés à la Réserve faunique

MASTIGOUCHE. Jean-Louis Roy a travaillé pour les clubs privés américains et la Réserve faunique Mastigouche pendant plus de 35 ans. Il a ainsi vécu cette époque de grande transition entre les deux modes de fonctionnement. Pour l’occasion, il a présenté dernièrement une conférence à la Société aleximontoise d’Histoire et de Généalogie.

Jean-Louis Roy est originaire de Mandeville, municipalité qui borde le parc Mastigouche au sud-ouest de Saint-Alexis-des-Monts. Le Mandevillois relève que lorsqu’il était jeune adulte, son village se concentrait essentiellement sur la production agricole et forestière, lui laissant ainsi un mince choix de carrière.

C’est ainsi qu’il a commencé en étant l’embauche d’un club privé sur le territoire nommé aujourd’hui Réserve faunique Mastigouche. « Mon rôle pour les clubs privés c’était comme guide, donc transporter le canot, cuire le poisson en forêt, ainsi de suite », raconte Jean-Louis Roy. Il a donc travaillé auprès des clubs privés pendant une dizaine d’années à l’époque où les riches Américains avaient des accès et des propriétés en grand nombre dans cette région de la Mauricie.

« Le territoire était tellement grand que le gouvernement du Québec ne pouvait pas avoir assez de personnes, comme les gardes de chasse, pour surveiller la faune, donc c’est de là que sont venus les clubs privés ». Les clubs étaient chargés de faire l’entretien et d’engager du personnel sur le terrain. À cette époque, les terrains leur étaient loués pour des sommes dérisoires. Ce serait dès la fin des années 1800 que l’un des premiers clubs privés aurait été créé, soit celui du club St-Bernard.

C’est entre 1970 et 1971 qu’une vague de contestation a fait rage au Québec. Des gens d’un partout dans la province ont manifesté leur désir d’avoir accès à ces territoires en forêt, notamment pour pouvoir y pêcher. Voilà qu’en 1971, le gouvernement du Québec a procédé à ce qu’on nomme aujourd’hui le déclubage. « La grande population du Québec était contente d’avoir accès à cet immense terrain qui leur appartenait, mais qu’il n’avait pas le droit d’aller auparavant. C’était leur territoire, mais c’était réservé à des particuliers américains plus fortunés que la moyenne ».

Par conséquent, le club Mastigouche Fish and Game Club, le plus gros club privé de l’époque, a laissé place à la Réserve faunique Mastigouche. Jean-Louis Roy relève somme toute que le changement fut assez drastique. « Il y a une expropriation qui été faite. À partir de 1971-72, ç’a été exproprié, sauf s’ils étaient propriétaires de chalet ». Les clubs ont été démantelés ne donnant ainsi plus accès à la forêt aux Américains, ce qui entraina chez eux une vive déception à laquelle le Mandevillois a été témoin. « À partir de 1972, ils devaient faire comme toutes les personnes du Québec et devaient réserver s’ils voulaient aller pêcher ».

Jean-Louis Roy ajoute, « je pense que le Québec a repris ses droits sur ses territoires qui lui appartenait. C’est dommage pour les autres, mais ils ont eu leurs bonnes années! Puis ça a été bénéfique pour Saint-Alexis et Mandeville à l’époque ». En effet comme il l’explique, les populations des petites municipalités éloignées avaient tendance à quitter pour se rapprocher des grands centres et trouver de l’emploi au début du 20e siècle. Les Américains ont favorisé la création d’emploi en engageant notamment des gens d’ici pour les guider sur le territoire et même, en développant des entreprises dans les villages ce qui a grandement favorisé la rétention de la population.

La transition

À la suite du déclubage, Jean-Louis Roy a continué de travailler sur le territoire à l’entretien général et à l’information, mais cette fois pour la Réserve faunique Mastigouche. Il y est resté pendant 26 ans. Il soulève que la transition entre les deux modes de fonctionnement à entrainer plusieurs changements et adaptations majeures.

À titre d’exemple, le Mandevillois note que le nombre de visiteurs a quintuplé, qu’il y avait désormais très peu de déplacements sur l’eau, que ce fut l’arrivée des activités hivernales telles que la motoneige, le ski de fond et la raquette, en plus d’ouvrir le site sur quatre saisons. « Tout se faisait avec des canots avant, puis il n’y avait pas de routes. Tandis que la réserve Mastigouche avait besoin d’accès donc ils ont fait construire des routes ».

Jean-Louis Roy remarque également qu’au fil des années, le public du parc a grandement changé. « Un peu tout le monde veut faire de la pêche aujourd’hui. On s’en est rendu compte pendant la pandémie… Tout le monde a développé un attrait pour le grand air ». Depuis 1971, la Réserve faunique Mastigouche est un lieu très accessible pour l’ensemble de la population québécoise. Il relève que désormais la grande démocratisation des activités de plein air accentue la popularité de ce type de parc.