100 ans à nourrir les Stéphanois

SAINT-ÉTIENNE-DES-GRÈS. Les commerces centenaires sont rares de nos jours, mais encore plus ceux qui sont demeurés entre les mains de la même famille.

À Saint-Étienne-des-Grès, François Bournival, propriétaire du Marché Bonichoix, marche sur les traces défrichées par son père Alban et son grand-père Rosaire. « En 1922, mon arrière-grand-père Théodore avait acheté pour 2100$ le bâtiment du 1224 rue Principale et l’a laissé à son fils Rosaire qui était le 15e de la famille. C’est lui qui a démarré le magasin général en 1923 », souligne son petit-fils.

À l’époque, Saint-Étienne-des-Grès fourmille d’activités alors que la Shawinigan Water & Power venait de démarrer le chantier du futur complexe électrique de La Gabelle sur la rivière Saint-Maurice. À l’occasion du 75e anniversaire de l’épicerie en 1998, Alban Bournival avait rédigé un texte sur les origines du commerce qui est toujours disponible sur le web (bournival.ca/marche-bournival/).

« Comme marchandise, on trouvait tout ce qui pouvait combler les besoins de l’époque: aliments en vrac (pois, fèves, sucre, cassonade, riz, beurre de peanut, pommes), lingerie (tissu à la verge, fil, boutons, élastiques, brassières, culottes, chemises, habits sur mesure, gants, mitaines), chaussures (diverses sortes de bottes, souliers pour hommes, souliers pour femmes), ferronnerie (clous, vis, pentures, ampoules, peinture, huile à lampe, vitres, etc.). », relatait l’épicier décédé en avril 2022 à l’âge de 96 ans.

L’histoire du Marché R. Bournival aurait pu être de courte durée puisqu’un grand incendie en janvier 1927 au cœur du village ne laisse que des ruines du commerce. Avec son épouse Marie Trudel, la maîtresse de l’école du village, Rosaire Bournival le reconstruit sur le même solage pour une réouverture en juillet de la même année.  

Le magasin général opérera près de 40 ans de façon indépendante, sans être attaché à une bannière. Au fil des ans, l’épicerie se présentera par la suite sous différents noms comme Marché Régal (1964), Couvrette et Provost, Métropole (1966), Provibec (1972), Axep (1981) puis plus récemment, Marché Richelieu et Bonichoix.

« Moi, j’ai grandi ici. À 8 ans, je me promenais dans l’épicerie et je faisais semblant de travailler », se rappelle François Bournival qui a pris les rênes du commerce en 1990. Son père Alban avait lui-même succédé à son propre père Rosaire lors de son décès en 1966.

« Nous n’étions pas la seule épicerie dans le temps à Saint-Étienne-des-Grès. Il y avait entre autres celle d’Alcide Lampron qui était un ami de mon grand-père Rosaire sauf durant les élections. L’ancien ministre conservateur P.H. Vincent me contait l’autre jour que son grand-père n’arrêtait jamais chez nous parce que les Bournival était des rouges tandis que les Lampron étaient des bleus », sourit François Bournival, bien heureux que ces histoires de politiques soient chose du passé maintenant.

Dans la partie arrière de l’épicerie qui sert aujourd’hui d’entrepôt, on peut voir encore au sol les restes des stalles alors que cette section du bâtiment servait d’écurie pour les paroissiens. « Quand les gens allaient à la messe,  ils venaient porter leurs chevaux ici », termine l’épicier, arrière-petit-fils de Théodore Bournival à l’origine de ce centenaire.

Comment ça coûtait en 1923?

Tabac haché : 15¢ le paquet ou 80¢ pour une demi-livre

 Beurre : 39¢/lb

 Fromage canadien : 18¢/lb

 Œufs : 60¢ la douzaine

 Miel : 15¢/lb

 Fèves : 6¢/lb

 Sirop d’érable : 2$/gallon

 Patates : 90¢ pour 80 lb