Émile Bilodeau à la Fête nationale: «mal à l’aise», le PQ refuse l’invitation
QUÉBEC — Le Parti québécois (PQ) refuse l’invitation de s’adresser au public lors de la cérémonie protocolaire au spectacle de la Fête nationale, le 23 juin, sur les plaines d’Abraham, à Québec.
Le PQ proteste ainsi contre la nomination du chanteur Émile Bilodeau à titre d’animateur de la soirée, parce qu’il a ridiculisé le parti et exprimé son opposition véhémente à la loi 21 sur la laïcité de l’État.
Même si le PQ ne demande pas le retrait du chanteur, Émile Bilodeau s’est empressé de réagir lundi en associant le parti à la «cancel culture» – la culture de l’annulation – et au Parti republicain aux États-Unis.
«Si vous voulez me « canceler », je vous propose d’aller voir ce que font les républicains aux USA, a-t-il écrit sur Facebook. Ils ont de l’expérience dans le domaine.»
Le PQ a expliqué sa décision lundi dans un message obtenu par La Presse Canadienne.
La porte-parole du PQ, Méganne Perry Mélançon, y critique durement le Mouvement national des Québécois (MNQ) – en charge de l’organisation du spectacle de la Fête nationale – pour avoir «manqué de jugement, allant ainsi à l’encontre des principes de base qu’ils ont eux-mêmes énoncés», c’est-à-dire d’être non partisan.
L’auteur-compositeur-interprète a affiché en effet à de nombreuses reprises son appui à Québec solidaire (QS) et le parti de gauche a d’ailleurs salué sa nomination.
Le PQ a souvent été invité à prendre la parole à la cérémonie protocolaire qui précède le spectacle de la Saint-Jean, ce grand moment de la ferveur nationaliste et souverainiste, mais cette fois ce sera non.
Ancienne députée péquiste de Gaspé, Mme Perry Mélançon souligne qu’elle avait d’abord accepté l’invitation, mais qu’elle s’est ensuite ravisée parce qu’elle n’était «pas à l’aise de faire semblant».
Le MNQ estime pourtant que le choix d’Émile Bilodeau est rassembleur et «non partisan». L’organisme a minimisé la controverse qui a suivi sa nomination en la qualifiant de «crise dans un verre d’eau», dans une note interne obtenue par La Presse Canadienne.
Or, Méganne Perry Mélançon juge que ce choix est «tout sauf rassembleur», pour reprendre ses mots.
«Quand on veut rassembler, la première chose à faire, c’est de démontrer du respect pour les autres!» écrit-elle.
«Au cours des dernières années et particulièrement des derniers mois, Émile Bilodeau a, à de nombreuses reprises, manqué de respect envers le Parti québécois, son personnel, son chef, ses membres, ses militants. Il a également démontré très peu de respect pour tous ceux qui prônent la laïcité de l’État.»
Toutefois, elle reconnaît que le MNQ a le droit de prendre cette décision et que l’artiste est libre de dire et de penser ce qu’il veut.
«Je ne demande donc pas du tout le retrait d’Émile Bilodeau de la scène, de son rôle d’animateur, et je ne demande le retrait de personne. Il a 100% le droit d’être sur scène et je lui souhaite une très belle Fête nationale, d’ailleurs. Il s’agit ici d’un choix politique qui appartient entièrement aux organisateurs.»
Elle attaque durement le MNQ qui, selon elle, est en contradiction complète avec son objectif d’organiser une fête non partisane.
«(Le MNQ) devrait pourtant être au courant des gestes et propos ultra-partisans et parfois méprisants qu’Émile Bilodeau a tenus pour soutenir une autre formation politique de laquelle il se réclame. Sa nomination comme animateur est à sa face même une grande contradiction avec le message officiel et avec les objectifs de rassemblement et de non-partisanerie énoncés par le MNQ.»
Bilodeau et QS réagissent
L’artiste a réagi directement au message de la porte-parole péquiste publié sur Facebook.
«On va vous faire un (blasphème) de bon show, a-t-il écrit. Si vous voulez me « canceler », je vous propose d’aller voir ce que font les républicains aux USA. Ils ont de l’expérience dans le domaine.»
Québec solidaire a pour sa part défendu le chanteur et condamné le PQ.
«Émile Bilodeau est un indépendantiste qui rejoint les jeunes», a plaidé le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, dans un message publié sur Twitter.
«Mais il a critiqué le PQ, alors le PQ boycottera le spectacle de la Saint-Jean. Mettre la fierté partisane avant la fierté nationale, quel dommage.»
Toujours sur Twitter, son collègue, le député QS de Jean-Lesage, Sol Zanetti, a demandé «pourquoi le PQ s’attaque à une vedette adorée de la jeunesse et à l’organisation de la Fête nationale?»
Il a ajouté que «c’est le temps de se réunir par-delà nos querelles, de pardonner et de crier « bonne st-hhhean!! ».»
Il a terminé en invitant à Mme Perry Mélançon à revenir sur sa décision et se présenter à la cérémonie.
Campagne aux côtés de QS
Émile Bilodeau avait ridiculisé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon dans sa croisade en vue de faire abolir le serment au roi d’Angleterre prononcé par les élus de l’Assemblée nationale.
Il avait alors qualifié les trois députés péquistes de «pleurnicheurs» qui «se tournaient les pouces», alors que «mon ami Sol Zanetti», député de QS, avait déposé un projet de loi pour abolir l’obligation de prêter serment à la Couronne. C’est en fait le projet de loi déposé par le ministre des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, qui a été adopté.
Dans un micromessage, Émile Bilodeau avait aussi dit qu’«il faut que le PQ meure pour qu’il y aille (sic) une opposition souverainiste».
Aux élections générales de l’automne dernier, le chanteur a fait campagne aux côtés du co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, dans Verdun.
Plus tôt cette année-là, il avait appelé à voter QS lors de l’élection complémentaire dans Marie-Victorin.
Par ailleurs, l’artiste avait qualifié la loi sur la laïcité de l’État de «misogyne, islamophobe et dégradante». Lors du spectacle de la Fête nationale de 2020, il arborait un macaron dénonçant la loi sur la laïcité.
«Émile n’arrivera pas sur la scène pour clamer qu’il est contre cette loi, a assuré la gestionnaire en communications et marketing du MNQ, Sophie Lemelin, en entrevue récemment. Ce n’est pas dans le mandat d’Émile de venir faire de la politique.»
La Fête nationale a «toujours été dépolitisée au sens noble du terme», a-t-elle précisé.
«Au lieu de sentir de l’écoute, je sens plus une attitude de déni des organisateurs qui ne me fait pas sentir la bienvenue», a conclu Mme Perry Mélançon.